Le dimanche 23 avril 2017 a été
un jour, on ne peut plus clair, de défaite de la gauche. Le Parti
Socialiste et son candidat, Benoît Hamon, ont été lourdement
sanctionnés par le scrutin populaire, avec 6,3%.
La gauche de la gauche, que l'on
pourrait désigner par le nom de néo-communiste, soutenue par le
Parti Communiste Français, mais aussi le Parti de Gauche, a réalisé,
il convient amplement de le reconnaître, un score remarquable avec
19,2%. Ceci représente, si on ne compte pas l'extrême-gauche
trotskiste, un total de 25,5%.
POURQUOI
Y AVAIT-IL DEUX CANDIDATS ?
Le Parti Socialiste, mais
également les Verts et le Parti Radical de Gauche qui soutenaient
Benoît Hamon, ont toujours eu des positions pro-européennes ;
certes depuis le Référendum de 2005, une partie de la gauche a
compris qu'une critique constructive et une étape alternatives
devenaient nécessaires. La gauche « non néo-communiste »
commence à comprendre qu'on ne peut que sortir du « consensus
européen à droite », mais en même temps elle détenait une
difficulté légitime à s'unir avec Jean-Luc Mélenchon,
eurosceptique et davantage héraut d'un souverainisme modéré.
Le choix personnel de Jean-Luc
Mélenchon, au grand dam du Parti Communiste en février 2016, sur
une logique de « révolution démocratique » a eu raison
des critiques portées par le PCF, qui s'est finalement rallié de
peu au tribun de la gauche de la gauche avec 53% en novembre 2016.
Jean-Luc Mélenchon avait donc choisi depuis le début la voie de la
rupture.
POURQUOI
LA GAUCHE A ECHOUE (ET A CE POINT LA) ?
On peut estimer partir du soir du 29
janvier 2017, que la logique social-libérale, d'inspiration
schröderienne a été battue en brèche, avec le rejet de Manuel
Valls (et donc de François Hollande). De fait, cela a coupé la
gauche socialiste des 8 points nécessaires, pour pouvoir espérer
être au second tour. Quant bien-même un tout premier sondage avait
mis Benoît Hamon entre 17 et 18% pour le premier tour, la réalité
pendant longtemps de ce que valait le candidat socialiste tournait
autour des 14%.
Cela veut dire que les électeurs
socialistes de tendance social-libérale, davantage proches du
centre-droite humaniste et modéré d'Emmanuel Macron, devaient
représenter ces 8 points, désormais imprenables par Benoît Hamon.
Partons donc de la logique des
14% de Benoît Hamon et donc des 10 à 11% de Jean-Luc Mélenchon,
son socle électoral de 2012. Benoît Hamon, si on suit la
logique-mais cette
élection hors-norme, a cassé la logique habituelle de la
V°République depuis 1974-aurait
pu atteindre cette ligne de 14%. La dynamique du candidat
socialiste/écologiste/radical de gauche a été sacrément ralentie
par le lâchage d'une partie des personnalités du PS qui n'ont pas
tenu leur engagement de la Primaire et donc le « vote utile »
a joué à plein pour Jean-Luc Mélenchon. En outre, l'image globale
du Parti Socialiste est désastreuse auprès des électeurs de
gauche.
Ainsi, Benoît Hamon a porté,
malgré lui, le bilan de François Hollande, pour le moins,
contrasté. François Hollande a porté des mesures de fond qui ont
porté leurs fruits (éducation, questions sociétales, santé,
défense) mais d'autres, largement insuffisantes du point de vue
socio-économiques (CICE, loi Macron 1, hausses d'impôts très
fortes sur les classes moyennes et le haut des classes populaires).
Le président sortant a pêché par un fort manque de lisibilité, en
franchissant des lignes rouges, normalement infranchissables dans une
logique socio-culturelle de la gauche française : la déchéance
de nationalité pour les bi-nationaux, heureusement abandonnée,
signifiait « on abandonne l'égalité entre citoyens et on
discrimine, par rapport à l'origine et une double-nationalité,
alors que traditionnellement un criminel français est un criminel
français, géré par la justice et le système pénitentiaire
français, ce jusqu'à la fin de sa peine, peu importe le fait qu'il
ait une double nationalité». La peine qui existe, en cas de
trahison à son pays, est celle de l'indignité nationale.
L'autre franchissement de ligne
rouge qu'a produit, François Hollande et qu'a dû assumer de facto
Benoît Hamon, est la Loi El Khomri. Pour la première fois , depuis la
période contemporaine et la naissance du socialisme (vers les années
1820), en France, un dirigeant socialiste a émis une position
libérale-économique concernant la question du Code du Travail et
finalement du rapport entre l'employé et le patron. La gauche a
toujours porté l'idée qu'un jour, l'égalité employé/patron doit
advenir, or avec cette loi d'inspiration schröderienne (qui n'est
pas partie prenante de la socio-culture majoritaire de la gauche
française), François Hollande a tranché du côté du patronat et
du MEDEF.
On peut ajouter que demeuraient
de manière indélébile les nombreux cafouillages gouvernementaux et
l'affaire Cahuzac, dans la balance de ce bilan du quinquennat
Hollande.
L'image du Parti Socialiste,
quant à lui, a desservi fortement Benoît Hamon. Ce parti a montré
depuis une vingtaine d'années, une image de parti sclérosé
(technocratisation hors-sol d'une partie des élus nationaux, baisse
record des adhésions dans un parti censé représenter le peuple et
représentant ainsi de moins en moins les Français,...). Le Parti
s'est éloigné des préoccupations des classes moyennes et
populaires. Enfin, le Parti Socialiste n'a pas daigné élaborer de
la pensée philosophique et idéologique nouvelle et cohérente,
depuis la Chute du Mur en 1989, or c'est le rôle d'un parti
intellectuel de gauche tel qu'est le Parti Socialiste. Ce parti
tournait donc à vide depuis près de 25/30 ans. Il a fallu attendre
le frémissement de la Primaire, pour revoir une idée nouvelle et
forte quant à l'organisation sociale, le Revenu Universel, mais
peut-être pas suffisamment cadrée à temps pour marquer la majorité
des esprits des gens de gauche.
POURQUOI
Y A T-IL MATIERE A ESPOIR ?
Reconnaissons que les 19,2% de
Jean-Luc Mélenchon et l'arrivée en 4e position, limite 3e position,
démontre que la gauche claire et nette, attire du monde et n'est pas
du tout un signe d' « archaïsme ». Il est vrai que notre
pays, pays de la Révolution Française, des Ateliers Nationaux de
1848, de la Commune et des Congés Payés de 1936, ne peut se
résigner à un paysage politique partagé entre les 3 droites :
la modérée et libérale, la réactionnaire, l'extrême-droite
nationaliste. Il existe définitivement de la place pour la gauche
dans une assemblée et un gouvernement.
QUELLES
PEUVENT ETRE ET DOIVENT ETRE LES PERSPECTIVES POUR LA GAUCHE,
DESORMAIS, APRES CE 23 AVRIL 2017 ?
L'ère du 2e Parti Socialiste,
celui d'Epinay depuis 1971, semble à jamais révolue et les citoyens
ont acté qu'il convenait de tourner une page, dans l'histoire de la
gauche française. Qu'en sera t-il d'une future formation à gauche ?
Une page blanche est à écrire.
Les communistes, les écologistes
et les socialistes vont pouvoir, et ce sera préférable, discuter
ensemble pour refonder la gauche, en se mettant d'accord sur les
questions sociales, économiques, écologiques mais aussi sur
l'Europe, car la gauche historiquement est internationaliste. La
gauche a bien souvent mis en avant la paix et le mieux-disant social,
pour le monde entier et recherché des constructions continentales et
internationales. La période qui s'ouvre, va être passionnante
politiquement.
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