A PROPOS

Je suis de gauche depuis l'enfance.Je suis membre de la CFDT depuis 2008.


vendredi, août 26, 2016

Réponse à l'article de blog de Thomas Guénolé (L'Obs Plus) sur Elisabeth Badinter

Tout d'abord, je tiens à préciser que je n'ai pas aimé ni apprécié la phrase d'Elisabeth Badinter dite sur France Inter , en tant qu'invitée de 8h20 sur France Inter, le 6 janvier 2016: "Il ne faut pas avoir peur de se faire traiter d'islamophobe" (lien émission et vidéo de France Inter: https://www.franceinter.fr/emissions/l-invite/l-invite-06-janvier-2016 )
Pourquoi? Tout d'abord , on ne peut pas prendre cette phrase au premier sens et l'accepter dans l'absolu. L'islam est une religion millénaire, qui a le droit de vivre, d'exister, qui a apporté de l'éclat à de nombreuses civilisations: civilisation arabe médiévale, civilisation séfévide et civilisation moghole à l'époque moderne, civilisation ottomane,... , ensuite on diabolise l'islam et lui colle toutes les étiquettes possibles à tort et à travers , alors que le sens étymologique d'islam c'est "salama" en arabe= faire la paix.

Ensuite je ne suis pas "fan" du mot "islamophobie", il est pour moi peu clair et recouvre aussi bien l'anti-islam (le fait de vouloir la disparition pure et simple de l'islam, de lutter contre lui dans tous les cas) et l'anticléricalisme concernant l'islam: la contestation des discours conservateurs, des prélats (cheikhs) voire des discours ultra-conservateurs radicaux. Je préfère utiliser le mot "anti-islam", comme "anti-christianisme", "anti-judaïsme", ... (nota: le mot antisémitisme concernant le racisme antijuif dépasse bien évidemment les considérations religieuses et visent à porter un discours ethniciste hostile et violent, voire des actes contre des personnes juives). Je crois en Dieu, me concernant, de tradition catholique (même si je me pose des questions sur la Trinité, comme beaucoup de "chrétiens culturels" et "libéraux" , de nos jours) et que cela m'amène à avoir une approche œcuménique (bien-sûr avec les protestants et autres chrétiens d'Orient) abrahamique, reliant les trois religions principales du Livre (le lien Bible/Coran, car on retrouve à quelques exceptions près, les mêmes prophètes, les mêmes biographies sur les personnages des Ecritures, si ce n'est sur l'histoire de la tentative du sacrifice du fils d'Abraham, les juifs et les chrétiens parlant d'Isaac, les musulmans parlant d'Ismaël).
Je suis en outre clairement pour la laïcité, la République sécularisée et neutre et opposé aux conservatismes aussi bien religieux que profanes (étant de gauche).

Cette précision faite, j'en viens donc au sujet qui m'intéresse , l'article de Thomas Guénolé sur Elisabeth Badinter (http://leplus.nouvelobs.com/contribution/1502924-islam-voile-et-mode-islamique-les-6-erreurs-graves-d-elisabeth-badinter.html ) du 05 avril 2016.

La question du voile comme un élément de soumission des femmes aux hommes. Thomas Guénolé dit "faux", je dis "plutôt vrai". Tout d'abord , il existe en islam ce qu'on appelle "l'ijtihad", l'interprétation des textes et tous les théologiens ne sont pas d'accord, certains en effet s'appuient sur le Coran et notamment le mot polysémique "qamar" qui peut vouloir dire en arabe antique tardif et ensuite médiéval aussi bien "voile de tête" que "manteau", "étole", "cape", etc..., d'ailleurs comme le précise Youssef Seddik (dans ses interviews, et il me semble dans "Nous n'avons pas lu le Coran"), il n'y a jamais l'expression "cheveux couverts" dans le Coran et c'est vrai, il n'y est jamais fait référence dans le Coran.
Mais en quoi je me fonde sur le "plutôt vrai", et bien je me fonde sur l'argument historique des socio-historiens  qui parlent de pratique patriarcale. Le roi de Babylone Hammourabi avait obligé les femmes non prostituées à se voiler dans son Code. D'ailleurs pendant très longtemps, le voile était socialement de rigueur: Marie n'est-elle pas représentée tout le temps avec son voile? Et même en Occident le voile des femmes grecques ou romaines quand elles sortaient dans la rue, ou même le fichu paysan des femmes européennes depuis le Moyen-Age jusque dans les années 50 environ montre bien le poids et le symbole de la chevelure féminine dans nos sociétés et l'enjeu que cela suppose en termes de contrôle et de "décence" liée à cela.

Le port du voile serait-il une violation du principe de laïcité. Thomas Guénolé dit "faux" et il a  raison. La Constitution reconnaît la liberté des citoyens et citoyennes en général et n'interdit que la nudité totale (également pour les seins des femmes dans la rue) et le tout couvert (c'est-à-dire le visage couvert) avec la loi d'interdiction de la burqa, votée en 2010, acceptée par la Cour européenne. Sinon un fonctionnaire ne peut porter de signes religieux distinctifs ostentatoires et doit la neutralité, dans le cadre de son travail (également concernant les idées politiques). Il en va de même pour les élèves jusqu'à la fin du lycée.

Est-que l'islam serait une religion qui demanderait aux femmes de rester à la maison? Thomas Guénolé est évidemment dans le vrai en disant que non. Il n'est pas fait référence de ce point dans le Coran et cela est lié aux sociétés et à leur degré d'émancipation individuelle et d'avancées pour le droit des femmes. Si quelques rares personnes pourraient justifier cela "au nom de la religion", elles confondent comme trop souvent pensée patriarcale et ultra-conservatrice et religion. Car la très grande majorité des religions dans le monde, en tout cas pour les trois religions monothéistes principales ont ou ont eu un commandement à 100% masculin. Les Eglises et autres Synagogue (dans le sens du leadership religieux juif) et Mosquées (idem pour le leadership religieux musulman) ont tendance à quelques exceptions près (et rares) à être régentées par des personnes de sexe masculin, certainement un atavisme des sociétés patriarcales, là où il y a/avait pouvoir, il y a/avait pouvoir masculin.

J'ai déjà répondu quant au mot "islamophobie" pour le 4e point "Le mot islamophobie sert à diaboliser la critique de l'islam?". Je suis anti-conservateur et je suis pour que les démocraties avancent dans le monde et qu'à terme les démocraties deviennent sécularisées et que les femmes puissent vivre comme les hommes, avoir les mêmes droits et puissent ne pas faire de leur corps un tabou (ou que des hommes en fassent un, de tabou); après j'accepte que d'autres personnes aient des idées différentes des miennes, tant que le respect, les principes démocratiques et/ou républicaines soient appliqués. Dans mon approche classique de gauche, c'est juste une "bataille culturelle" (terme gramscien) entre Anciens et Modernes. Le Modernisme étant pour ma part, démocratique, positiviste, anti-réactionnaire et socialiste. Chacun est libre de voir le modernisme comme il l'entend (ou d'être "Ancien"!)!

Concernant le 5e point : "Les "islamo-gauchistes" sont ils une minorité influente?". Tout d'abord, je ne sais pas ce que veut dire "islamo-gauchisme", que cela recoupe t-il? Cela me semble subjectif. Ensuite, par le passé, il est arrivé que l'on n'a pas voulu voir la montée des ultra-conservatismes dans toutes les religions en France, de même que cela a été parallèle avec la droitisation de la France (phénomène décrit par Gaël Brustier), notamment avec l'augmentation de la part des personnes de plus de 65 ans , dans la population nationale (selon le principe avéré en politologie, qu'un population dans les pays occidentaux a tendance à devenir de plus en plus conservateur, au sens de la droite). Pour ma part, je dirais simplement que la gauche et qu'être de gauche, c'est être laïc et pro-laïcité, soutenir la loi de 1905 (dans son juste équilibre) et être sur une ligne anti-conservatrice.

Enfin, "être en désaccord avec elle [Elizabeth Badinter], c'est soutenir l'islamo-communautarisme", Thomas Guénolé ne que répondre justement "faux". Bien évidemment que Thomas Guénolé a raison. Les gens de gauche et de manière plus générale, les citoyens et électeurs français(es) n'ont besoin de personne pour penser. Ensuite , on a le droit d'émettre, ne serait-ce que des nuances, ou plus (une critique totale) à tout discours; enfin si on répond aux principes généraux de la gauche, mais aussi aux principes du libéralisme politique du centre-droite et bien-sûr aux principes de la République, on ne peut que s'opposer à tout communautarisme et bien-sûr à toute stigmatisation de quelque groupe que ce soit (car les Français de religion ou de tradition musulmane en entendent des vertes et des pas mûres, même chose pour les Français de religion ou de tradition juive). Je dirais juste qu'Elizabeth Badinter est une philosophe qui a eu dans sa vie des positions intéressantes, écrit des livres qui valent le coût et que la récente critique à laquelle elle fait face ne saurait gommer tout son travail, dans la lignée de Simone de Beauvoir et le féminisme universaliste.


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