Cela fait plus d'une semaine que les avant-projets de la loi El Khomri, un texte d'une cent-trentaine de pages que la ministre du Travail a fait passé à la presse pour communiquer sur les types de pistes qu'elle compte aborder pour moderniser les conditions du cadre législatif du travail: Code du travail, condition sociales liées aux entreprises, droits sociaux pour les employés,...
Manifestement, cela a soulevé une bronca générale dans une majeure partie de la gauche, pourquoi?
Madame El Khomri propose de plafonner les indemnités prudhommales pour n'importe quel type de licenciement sauf harcèlement de la part d'un supérieur, les astreintes sont décomptées dans le projet de loi du temps de travail, le Code du travail se voit rajouter de nombreuses exemptions (encore, cf. rapport de la députée PS Barbara Romagnan qui montre que ce Code a été alourdi par les nombreuses exemptions de règles en faveur des employeurs). On peut citer aussi que les apprentis de moins de 18 ans pourront travailler plus de 35 heures.
Quelques avancées mais qui existent déjà sont rassemblées dans un compte-employé: compte pénibilité (loi retraite Ayrault) + droits à la formation (loi Raffarin améliorée sous Ayrault). Les analystes, mais bien-sûr les syndicats et une majeure partie de la gauche estiment que c'est beaucoup trop déséquilibré en faveur des employeurs.
Bien évidemment il faut toiletter certains éléments du Code du travail, voir ce qu'on peut obtenir par la négociation, mais l'inversion des normes: la négociation prioritaire par rapport à la loi égale et minimale pour tous, change totalement le paradigme.
Autre paradigme politique qui a beaucoup changé: le MEDEF et LR soutiennent très largement et avec grand enthousiasme ce projet de loi.
Du point de vue politique, Manuel Valls veut marquer son gouvernement et son action, par l'entremise de sa ministre El Khomri, son alliée face à l'autre "réformateur" du gouvernement : Emmanuel Macron et au social-libéral plus synthétique, le président Hollande (plus favorable à la synthèse entre la droite , le centre et la gauche du PS). Une rivalité entre deux postures "qui est le plus centriste et libéral?" et "qui arrive quand même à rassembler à gauche?"
La pétition lancée par Caroline de Haas et Eliott Lepers notamment, LoiTravail.lol, a étonné par son aspect viral, déjà 600.000 en une semaine. Cela a étonné le gouvernement. Ce qui a autant soufflé Valls, Macron et Hollande a été la tribune dans Le Monde du 24/02/2016 de Martine Aubry et Daniel Cohn-Bendit, plus Yannick Jadot, des députés PS dits "frondeurs" mais au-delà comme Yann Galut, correspondant à la social-démocratie de gauche. Et en effet, on peut se demander si ce souffle est lol, c'est-à-dire une chose bienvenue partagée par les électeurs de gauche, bof, c'est-à-dire quelque chose qui divise la gauche pour rien ou snif, c'est-à-dire quelque chose de dommageable.
Selon moi c'est lol et snif en même temps. Je m'explique: c'est positif, dans le sens où TINA (There Is No Alternative) fait la place à TARA (There Are Real Alternatives), un peu comme aux USA, où la vague Sanders exprime une vraie volonté progressiste de pas mal , peut-être pas tous ou la majorité, d'électeurs démocrates. Cela fait du bien de voir un autre discours, car sinon à quoi sert le fait que l'UDI et le PS existent parallèlement, car après tout si on est centriste et libéral, on peut se retrouver dans ces deux familles politiques. Et le fait que les centristes, donc la droite libérale non conservatrice (le contraire des durs de LR) soutiennent ce projet de loi et l'attitude de Valls montrent bien que la majorité du gouvernement est passé à autre chose. Autre chose que le socialisme, la social-démocratie et le PS.
On peut reconnaître à Valls qu'il a raison sur une chose: la clarification, Valls pourrait être au gouvernement si un parti équivalent à un PRG avec une partie de l'UDI était le premier parti de l'Assemblée. Ou bien Valls serait ministre mais non premier-ministre, car le PRG serait l'allié d'un PS social-démocrate et socialiste-démocratique (nom politologue de l'aile gauche du PS) mais non social-libéral et ce PS-là imposerait sa ligne, une ligne plus sociale au ministre Valls.
Là où ce qui se passe est snif, c'est que les torts sont partagés et que l'on aurait pu faire autrement et ce dès 2012:
-Hollande aurait dû faire la réforme fiscale et tenter au moins de résister vraiment au TSCG, ne serait-ce que résister face à Merkel
-Hollande aurait dû faire un audit montrant que les finances du pays étaient vraiment trop mauvaises et à partir de là demander au PS de faire des Etats Généraux de la gauche, pour discuter avec les autres partis de parler comment faire avec un tel budget, quelle priorité sauver, etc... (le compromis Aubry/Germain/Lamy mais aussi Pierre Alain Muet sur à peu-près 40 milliards dont schématiquement 15 milliards pour l'offre, 15 milliards pour la dette et 15 milliards pour l'investissement proposé dès 2013 et reproposé dans la motion A à Poitiers; proposition non retenue)
-Ayrault mais surtout Valls auraient dû toujours prendre des arbitrages sur des propositions 50/50, 50% des idées du gouvernement, 50% des propositions du groupe socialiste dans son ensemble car la gauche a pour idée un gestion parlementaire et assez collégiale.
-Il fallait essayer le CICE mais avec des contreparties véritables en matière d'emploi et avec un vrai ciblage sur les ETI (Entreprises de Taille Intermédiaire) pour favoriser l'innovation et l'exportation notamment et arranger et amender l'aspect social-libéral quand on a vu que cela ne portait pas ses fruits en termes d'emplois.
Car force est de constater que les 1 million d'emplois de Gattaz se sont envolés comme les promesses fausses et que certaines grandes entreprises faisant du profit et du vrai bénéfice préfèrent ne pas investir et ne pas embaucher alors que leur marge était déjà bonne et même maintenant améliorée. Je ne parle pas des TPME pour qui le moindre effort de trésorerie est très difficile.
En tant que socialiste, c'est-à-dire d'idée socialiste, on n'est pas forcément "non socialiste" si on n'est pas/plus au PS, j'estime comme Roland Cayrol (C dans l'air du 26/01/2016) que le débat d'idées se fonde sur de vraies différences: jauressisme social-démocrate versus radicalisme de gauche social-libéral. Et tant que cédétiste, donc social-démocrate, je me félicite globalement des positions de la CFDT, la dernière et désormais seule organisation social-démocrate du pays. C'est important de conserver le meilleur de la social-démocratie et du corpus fondamental de Jaurès et de Proudhon, parce que je crois au progrès, en l'espoir, en l'amélioration en mieux de la société, donc une vraie transformation de la société, même économie de marché mais régulée et coopérativisée. (Face au 1%, au capitalisme= accumulation du capital que pour certains [donc pas pour tous] et la grande bourgeoisie qui se fiche des moins aisés et des plus démunis; les classes populaires et moyennes, premier électoral normalement du PS).
J'espère donc que le gouvernement infléchisse ses positions centristes, écoute les 70% des Français de gauche qui sont contre ce projet de loi El Khomri et fasse un retour à la social-démocratie. Car oui, actuellement, il n'y a pas d'autre représentation de la gauche en terme de sensibilité gouvernementale.
(Car évidemment , même la gauche social-démocrate et socialiste-démocratique doivent garder l'ambition de gouverner pour aider et améliorer le cadre de vie)
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