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samedi, avril 18, 2020

TRANSFORMER LE ROLE DE L’EUROPE (par Pierre-Marie Chevreux, militant à Générations, Loire)



TRANSFORMER LE ROLE DE L’EUROPE (par Pierre-Marie Chevreux, militant à Générations, Loire)

L’UE, depuis une vingtaine d’années se trouve dans une impasse, elle n’est pas un moteur économique et investit très timidement (elle laisse faire les Etats aux finances asséchées par les politiques austéritaires, encouragées voire imposées par l’UE), elle n’assume pas un rôle international cohérent car l’UE n’existe pas politiquement. On peut donc se demander comment sortir de ces impasses successives.


Oser l’Europe des cercles
Aucun Etat, y compris la France n’a réellement jusqu’ ici joué la carte de l’intérêt général européen. On a même refusé la solidarité à la Grèce et au Portugal, qui pour ce dernier en est arrivé à demander de l’aide à la Chine pour pouvoir se redresser. Force est de constater que l’Allemagne depuis le Traité de Nice et les élargissement successifs après 2004, a agrandi sa Cour d’Etats qui lui sont liés. De même, l’on peut dire que l’intégration de l’Europe centrale correspond à peu près à un échec du point de vue politique, quand on se penche sur les dérives illibérales de plusieurs Etats (Pologne, Hongrie…). C’est d’abord, il faut le dire, vraiment dommage et le fédéralisme souhaité à Maastricht ou dans le Traité Constitutionnel est pour l’instant, lettre morte. Peut-être que ce qui marchait mal à 15 ne peut fonctionner à 27. Alors, afin que le fédéralisme puisse prendre forme, un jour, on peut tenter une approche un peu différente, celle des cercles. Cela redonnerait tout d’abord une certaine souplesse, cela permettrait ensuite au débat contradictoire d’émerger, sans que la thèse austéritaire de l’Europe du Nord l’emporte toujours et enfin, cela respecterait le fait que dans nos Etats du Sud, l’on a une conception bien plus interventionniste et une culture des Services Publics non concurrentiels. Un cercle d’Europe du Sud, donc face à celui d’Europe du Nord et celui du Centre, mais aussi des cercles thématiques : avancer sur la question de l’armée européenne ou celle de la Transition écologique.


Construire une Europe écolo-solidaire à 27
Les cercles ne doivent pas nous empêcher, d’approfondir à 27, la thématique du lien entre écologie et solidarité. Bien au contraire. Il est vrai que la Commission, les rapports de force actuels entre Etats, a amené l’UE à porter un projet un projet timoré et le Green New Deal proposé par Ursula von der Leyen est vraiment en dessous de ce qui conviendrait pour agir. Outre un budget bien plus largement augmenté (x 5, par rapport aux 100 milliards de la Commission) pour un Green New Deal vraiment efficace, il conviendrait de laisser une marge de manœuvre aux Etats, pour qu’ils puissent investir dans la santé, l’éducation et l’enseignement supérieur et l’innovation pour abonder le volet économique de la Transition écologique. C’est-à-dire faire sauter les deux verrous financiers de l’austérité, la règle des 3% et l’interdiction du prêt direct (à 0%) aux Etats par l’intermédiaire de la BCE (actuellement les intérêts des prêts concédés par les banques privées aux Etats, grèvent énormément les budgets nationaux). Ce n’est pas le risque d’une crise post-Covid 19 qui pourrait poindre, qui fera dire l’opposé. Assurer ces marges de manœuvre, la mise en place de politiques axées vers la Transition écologique, l’amélioration des conditions sociales et une économie respectueuse des deux éléments cités auparavant, avec évidemment le développement massif de l’Economie Sociale et Solidaire, ceci forme un beau projet pour l’Europe à 27.




Assurer une Europe multilatérale
Depuis 1992, il y a eu cinq zones en conflit autour de l’UE : on ne peut oublier le conflit israélo-palestinien qui n’en finit pas de durer et qui a repris en intensité depuis 2002, de même les conflits en ex-Yougoslavie (1991-1999), la Guerre civile algérienne (1992-1999), la guerre en Syrie depuis 2011 et celle entre l’Ukraine et la Russie depuis 2014. A chaque fois, c’est systématique, l’Europe est impuissante. Elle attend une intervention des Etats-Unis, comme si eux seuls pouvaient tout régler et qu’il serait d’intérêt commun pour l’UE de suivre ce que préconise les Etats-Unis. Si l’intervention à Dayton en 1995 et avec les bombardements de Belgrade en 1999 ont pu servir à ramener le calme, pour le reste, les Etats-Unis ont été « comme un chien dans un jeu de quilles ».
D’ailleurs la question yougoslave n’est toujours pas traitée. Les défis sont l’instabilité de la Bosnie-Herzégovine écartelée entre trois influences, l’émergence d’un pacte inter-yougoslave et avec les pays albanophones pour assurer à la fois la stabilité, la construction de la confiance et de la paix entre ces huit pays, mais aussi l’éradication de la mafia comme pouvoir politique ou d’influence. C’est pour cela que se défend et se pose la question de l’intégration balkanique dans l’Union mais aussi pouvoir arrimer ces pays au cercle de l’Europe du Sud, pour le consolider et qu’il prenne du poids politiquement sur le continent. Sans oublier que la Croatie, mais aussi la Bulgarie balkaniques font déjà partie de l’Union.
De l’autre côté, nous avons, par nos politiques hésitantes et hypocrites, presque transformé la Russie en ennemi, alors qu’elle pourrait être un partenaire de dialogue avec l’Europe. Certes, la Russie possède une politique impérialiste propre, mais avouons qu’avoir laissé « otaniser » l’Europe centrale et orientale a été une faute stratégique, ou encore ne pas avoir mis de cadre de négociation bilatérale à l’indépendance du Kosovo. Dialoguer avec la Russie de manière plus franche, plus amicale tout en étant ferme sur les principes (démocratie, respect des LGBT, souveraineté ukrainienne sur le Donbass et la Crimée, souveraineté moldave sur la Transnistrie, souveraineté géorgienne sur l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud avec nécessité d’une hyper autonomie, qui est une revendication audible, pour ces deux républiques qui ne voulaient pas du centralisme de Tbilissi, mais qui se retrouvent dans les mains de la Russie) donnerait à la diplomatie européenne multilatérale un effet de balancier et rééquilibrerait les rapports avec les Etats-Unis et la Chine. Proposer à la Russie un partenariat privilégié (de même qu’à l’Ukraine, la Biélorussie, la Moldavie, les trois républiques du Sud Caucase) correspond à du bon sens. En outre, il est temps de poser le chantier d’une alliance et d’une armée européennes, mettant les membres de l’UE en sortie progressive de l’OTAN. Cela pourrait donner à l’Europe, un poids véritable qu’elle n’a jusqu’alors, jamais eu et inciteraient les autres puissances à prendre en compte l’Europe et crédibiliserait les propositions venues de son espace politique continental.



Il apparaît que la sortie d’une certaine inertie confédérale pourrait passer par les cercles, aussi bien géographiques (par affinités de comment on voit le rôle de l’Etat, par tradition de dialogue) pour que puisse émerger un certain fédéralisme. De même, le renforcement du projet thématique de l’UE à 27, en focalisant sur l’axe écolo-solidaire. Enfin assumer les éléments d’une diplomatie multilatérale redessine quelque peu la diplomatie continentale européenne en se « désintoxiquant » de l’otanisation, qui avec la fin de la Guerre Froide, n’a plus aucun fondement et empêche de donner le « plus » de crédibilité qui est de posséder une force internationale de paix et de défense.