A PROPOS

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dimanche, novembre 27, 2016

Perspectives européennes, ukrainiennes et russes

Cela fait trois ans, que la révolte de Maïdan (la grande place centrale de Kiev, en Ukraine- maidan, voulant dire "place" en ukrainien, mot emprunté au turc, les langues turques étaient présentes depuis le Moyen-Age sur la côte ukrainienne actuelle et on retrouve des populations turciques dans le Budjak, la région d'Izmail, ancienne Bessarabie du sud, et aussi bien-sûr avec les Tatars de Crimée) a eu lieu en Ukraine, et principalement à Kiev, en novembre 2014.

En novembre 2016, la situation est bloquée, l'Ukraine a perdu la Crimée qui a été annexée en mars 2014, un jour après la proclamation de l'indépendance de la République autonome ukrainienne de Crimée. Rappelons que la Crimée avait 58,3% de Russes, 24,3% d'Ukrainiens et 12,1% de Tatars et en plus la péninsule contenait la zone spéciale militaire de la Marine russe (concession prévue , au moins jusqu'en 2042, alors, après des négociations ukraino-russes sous pression russe, avec l'arme énergétique et l'accès au gaz russe) et en avril 2014, certains groupuscules ukrainiens pro-russes furieux de la destitution du président pro-russe Ianoukovitch ont demandé de l'aide au pouvoir russe et ont fomenté des putschs à Donetsk, Lougansk, Kharkiv, ..., cela a réussi en partie sur les oblasts de Donetsk et Lougansk, l'armée ukrainienne a réagi mais elle n'a pu au mieux que contenir l'avancée pro-russe.

Pendant ce temps, l'Union européenne dont les deux Etats les plus puissants diplomatiquement, l'Allemagne et la France, ainsi que les Etats-Unis se sont trouvés impuissants et n'ont pas voulu d'une seconde guerre de Crimée (l'OTAN n'étant pas loin, en Roumanie, Bulgarie et Turquie), soit un conflit direct incertain (et surtout déstabilisant le monde entier) avec la Russie. L'Union européenne, elle n'a plus su quoi répondre face à la demande du peuple ukrainien sur l'accord de libre-échange entre l'Ukraine, pays souverain et l'UE, désirant même accélérer ceci par une demande d'adhésion à l'Union , objet de la pression et de l'intervention russe. Depuis 2007 et l'avant-dernière entrée de nouveaux pays en date (Bulgarie et Roumanie) dans l'Union européenne, l'UE avait déclaré que mis à part les Etats ex-yougoslaves qui ont vocation à adhérer (Croatie, Bosnie, Serbie, Monténégro, Macédoine; le Kosovo étant un problème diplomatique pour certains membres tels que l'Espagne, car le Kosovo a pris son indépendance de manière unilatérale, sans accord avec la Serbie, est exclu de cette vocation européenne automatique), les autres Etats d'Europe orientale ne pouvaient espérer qu'un partenariat renforcé avec l'UE (Ukraine, Moldavie, Géorgie, Arménie, Azerbaïdjan); N'y a t-il pas un léger couac? On parle de tous les Etats sauf de la Russie (et aussi de la Biélorussie), or force est de constater que nos relations euro-russes (ou euro-soviétiques avant 1991) sont plus que contrastées depuis les années 80.

... retour en arrière...
L'arrivée au pouvoir , de Gorbatchev , prenant la tête du Comité Central du Parti Communiste de l'Union Soviétique en 1985 a été une vraie bouffée d'oxygène à l'est. Gorbatchev se met à parler de "glasnost" (transparence) et de "perestroïka" (reconstruction) et libéralise de fait des relations avec les pays d'Europe de l'ouest et le poids de l'URSS sur les pays du bloc de l'est (même si certains demeurent rétifs: Honecker en RDA, Ceaucescu en Roumanie et bien-sûr Hoxha en Albanie); en 1987, Gorbatchev signe avec Reagan, un accord de diminution du stock des armes nucléaires, allant dans la continuité des accords d'Helsinki de 1973. En Europe de l'ouest, Gorbatchev est très populaire et préfère ne pas réagir avec l'armée soviétique quand le Mur de Berlin tombe en 1989...
l'URSS se saborde en décembre 1991 à Minsk...
En 1992, François Mitterrand organise à Prague, une rencontre de tous les pays européens, on peut y voir une carte montrant l'Europe allant de l'Atlantique à l'Oural... les pays d'Europe centrale, tels que la Pologne ou la Tchécoslovaquie n'apprécient et font savoir que la Russie est à isoler...
la Russie tombe dans une crise économique sévère de transition (les babouchkouï étaient obligés de vendre dans la rue à la sauvette les objets de valeur) et politique, car la chute de l'URSS vient de la tentative de putsch d'une partie du PCUS contre la politique libérale de Gorbatchev. Cela a amené Boris Ieltsine à la présidence, qui a laissé gouverner ses proches et ses alliés: les oligarques et n'a pas tenu le pays en matière de sécurité...
Pendant ce temps les pays d'Europe centrale, dont les oppositions démocratiques au système communiste, se sont identifiées depuis longtemps au modèle américain, demandaient le rattachement à l'OTAN. Rattachement/élargissement qui s'est déroulé en 1999, avec l'entrée de la Hongrie, la Pologne et la République Tchèque, en 2004: les trois pays baltes, la Roumanie, la Bulgarie et la Slovénie et même en 2009: la Croatie; à peu près en même temps que l'élargissement de l'UE à l'est : en 2004, 2007 et 2013 (entrée de la Croatie). L'UE n'a pas su différencier la politique militaro-diplomatique pour ne pas avoir à mettre des moyens supplémentaires dans une telle politique et parce qu'il n'existe pas une volonté politique suffisamment forte (mis à part timidement la France, la Grande-Bretagne, voire l'Espagne et l'Allemagne); du côté des pays membres d'Europe centrale, il était hors de question de dissocier la politique européenne de l'OTAN.

A partir de 2000, après le long affaissement personnel de Boris Ieltsine à la présidence (en 1999, la Russie subit de plein fouet la crise financière asiatique), Vladimir Poutine arrive à la présidence de la Fédération russe. Vladimir Poutine rappelle la promesse américaine et européenne de ne pas étendre l'OTAN aux frontières de l'ex Union soviétique. Vladimir Poutine , ayant été formé au KGB, a une bien autre vision de la Russie: la Russie doit retrouver son éclat impérial et si l'Europe et les USA ne veulent pas entendre, on peut utiliser la force. L'indépendance unilatérale du Kosovo, en 2008, face à la Serbie, a divisé les pays européens. Pour la France et l'Allemagne, les Albanais du Kosovo ont trop souffert, ont subi une politique de purification ethnique de la part de Milosevic et donc à ce titre, aucune autonomie large kosovare au sein de la Serbie n'est pas possible (les USA pensent la même chose); pour l'Espagne ou la Roumanie: accepter une indépendance unilatérale, sans négociation, au nom d'un caractère ethnique, même dans un contexte de post-guerre, remet en cause le droit international de l'uti possidetis (le droit des Etats à la stabilité de leurs frontières), ce que pense également la Russie.
Après sa période attentiste, Poutine intervient par surprise , pendant les Jeux Olympiques de Pékin en 2008, dans le conflit osséto-géorgien et en profite pour séparer de fait l'Ossétie du sud de la Géorgie sous protection militaire russe et confirme la sécession abkhaze vis-à-vis de la Géorgie réalisée depuis 1992. Poutine applique ce qu'il avait annoncé "la discussion , sinon la politique du fait accompli par la force", politique soutenue diplomatiquement par la Chine. Ni les USA, ni la France, l'Allemagne et la Grande-Bretagne ne réagissent.

Dans les années 2010, l'Ukraine, et son gouvernement pro-européen dirigée par Ioulia Timochenko essaye le bras de fer, pour se libérer un peu de l'emprise économique russe, la Russie répond par l'arrêt de l'acheminement du gaz , touchant aussi , de manière collatérale, la Pologne, la Slovaquie et la Hongrie. Poutine a trouvé un nouvel objet de pression: l'instrumentalisation des minorités russes en Europe centrale (notamment dans les pays baltes: 30% en Estonie et en Lettonie, 10% en Lituanie), pour lui, comme russophones, cela les assimile à la Russie et donc peuvent être protégés par Moscou si elles sont inquiétées. On a l'impression de revivre la ré-émergence de la question des Nationalités du XIX° siècle et des années 20-30 au XX° siècle. Ce n'est pas pour rien que Vladimir Poutine instrumentalise les 20% de Russes ukrainiens (ce qui est relatif puisque plein d'Ukrainiens vivent en Russie, ou ont un nom à consonnance ukrainienne et que les colons russes du XIX° siècle sont pleinement intégrés à l'Ukraine et à l'inverse, près de 40% des Ukrainiens d'Ukraine parlent russe) dans le conflit ukraino-russe.

... Pour l'instant , presque tout semble bloquer, cependant la raison et même les opinions publiques russe et ukrainienne commencent à faire entendre que ce conflit est stupide (puisque les deux peuples, même ayant chacun leur souveraineté, sont liés). Ce serait illogique que l'Ukraine coupe les ponts avec la Russie et la Biélorussie, ce serait également étrange que l'Ukraine ne puisse pas être la passerelle entre Europe orientale et Union européenne. Quel(le) Ukrainien(ne) éduqué à l'université ne parle pas (ou ne désire ne pas parler) à la fois ukrainien, russe et anglais, voire avec l'allemand ou le français en plus? Kiev se vit à la fois comme une ancienne grande ville du Grand Royaume de Pologne et comme Origine de la Slavie orientale (on dit de Kiev qu'elle est la "Mat' Rassii", la Mère de la Russie) et bien-sûr une ville moderne en Europe; donc l'ukranité est tout autant empreinte de polonité, d'identité slave orientale, d'influences turques,... Et la question subsidiaire, mais néanmoins cruciale: que faire avec Poutine?
 Il est certain que l'Europe ne peut lui répondre sans lucidité: nous aussi, s'il le faut en vue des circonstances, savoir être ferme (continuer les sanctions si besoin) et en même temps, il semble difficile de ne pas vouloir dialoguer avec la Russie. On peut très bien revivifier la politique d'ouverture à l 'URSS à la De Gaulle ou l'Ost Politik de Willy Brandt, sans devenir impérialiste russe.
Quels sont les jalons de cette politique potentiellement?

-Ne pas faire en sorte que l'Ukraine (et la Géorgie) entre dans l'OTAN (ce serait une provocation et une politique de l'escalade inutile)
-remettre sur l'ouvrage l'entente économique entre Ukraine et UE, mais en y intégrant la Russie, la Biélorussie et la Moldavie et négociant aussi avec Moscou, donc
-à moyen terme, envisager de faire entrer l'Ukraine, la Russie, la Biélorussie et la Moldavie dans la Marché Commun (la partie CEE de l'UE, mais évidemment pas la partie politique)
-proposer un processus d'Union d'Europe centrale (dont les membres sauf l'Ukraine et la Moldavie seraient membres également de l'UE; ceci pour donner satisfaction à l'Ukraine) avec la possibilité d'y introduire également l'oblast de Kaliningrad.

(Fond de carte: d-maps.com)
(LEGENDE: -en bleu: Union européenne élargie à la Serbie, Bosnie, Monténégro et Macédoine ; -en vert: Union d'Europe centrale avec Oblast russe de Kaliningrad, Pologne, République Tchèque, Slovaquie, Hongrie, Ukraine, Moldavie, Roumanie; -en violet: pays ayant bénéficié de l'élargissement du Marché commun: Moldavie, Ukraine, Biélorussie, Russie)