A PROPOS

Je suis de gauche depuis l'enfance.Je suis membre de la CFDT depuis 2008.


samedi, juillet 04, 2015

Le socialisme et la social-démocratie d'Europe face à Alexis Tsipras: l'illusion du bouc-émissaire

Ces derniers jours, la Grèce, le gouvernement Tsipras et le règlement de la dette grecque sont au coeur de nos préoccupations. La suite des choses pour la Zone euro est en jeu, cela fait 6 ans que l'on traine ce problème, que l'on a sous-estimé (même Dominique Strauss-Kahn, ancien président du Fonds Monétaire International, le reconnait). Tsipras a ses torts et il a voulu montrer que son programme pouvait s'appliquer, il a utilisé l'entourage européen proche comme une forme d'exutoire, mais peut-on lui en vouloir, à lui seul?? Franchement, non. Quand Schäuble avait laissé dire, il y a quelques années que la Grèce devait vendre une partie de ses îles pour rembourser l'Allemagne, ou quand il refuse les solutions de taxes sur les armateurs,il a le don de mettre en colère le peuple grec, de gauche comme de droite. Ne nous étonnons pas si Tsipras en janvier a fait un score aussi large: il a dépassé l'étendue traditionnelle de la gauche. Certes, il a de facto remplacé le PASOK (le parti centriste, ancien parti socialiste grec, qui n'a de socialiste, désormais, que le nom; on pourrait revenir sur la décision du PASOK d'avoir formé la coalition avec la droite, après que les dirigeants l'ont forcé à démissionner de son poste de Premier-Ministre. Un putsch de velours, au passage...; le PASOK aurait du se reconstruire dans l'opposition, il n'a pas souhaité cette solution), mais Syriza a également mordu sur le centre-droite. Quand j'ai lu Martin Schulz dire dans une interview (jeudi 2 juillet 2015) qu'il préférait le gouvernement des technocrates à un gouvernement de gauche démocratiquement élu (et largement), je me dis qu'il existe désormais un fossé dans la gauche social-démocrate et socialiste européennes.
J'ai voté pour lui en 2014 et je suis déçu de son attitude. Il représentait le centre du parti, le SPD (la social-démocratie allemande), un équilibre entre les aspirations un minimum alternatives de l'aile gauche du SPD et l'aile droite (le Cercle de Seeheimer), qui n'a plus l'air d'une aile droite d'un parti social-démocrate, mais est complètement centrisée (comprenons "droitisée", car comme le disait l'ancien président François Mitterrand: "Le centre n'est ni à gauche, ni à gauche!). Sigmar Gabriel, vice-chancelier, lui aussi issu du centre du SPD, a lui même basculé du côté des gens de Seeheimer, quelques jours plus tôt (le 29 juin 2015): "Tsipras doit être stoppé!". Mais sincèrement, de quoi se mèle le gouvernement allemand, à vouloir , à nouveau débarquer le gouvernement grec??
Malheureusement, les socialistes de l'Europe centrale ne sont pas une autre position que la position du Cercle de Seeheimer du SPD. Toujours la même erreur de confondre une politique vraiment à gauche (keynésienne, interventionniste, internationaliste) et le stalinisme. Comme si la gauche ne pouvait qu'avoir le visage de la répression soviétique. Les mots de l'opposant d'Etat à la domination soviétique, ancien dirigeant communiste tchécoslovaque, Alexander Dubček, sont bien loin...
Tout le monde nous parle à l'envi depuis 25 ans de "réformer", de "réformes" (sous entendues tellement nécessaires). On l'a impression d'invoquer Luther, tellement on en parle. Mais de quoi parle t-on , au juste? Parce que le mot "réformer" est quand même galvaudé depuis une vingtaine d'années. Réformer normalement c'est améliorer, pas le sens que certain(e)s voudraient lui faire prendre: "couper parce qu'on ne peut plus faire comme ça".

En France, François Hollande n'ose pas prendre une position publique nette, hésitant entre la relation franco-allemande et la volonté de montrer un peu de compréhension face à la situation grecque et aux efforts d'Alexis Tsipras. Ces derniers jours, le président a montré que le fait de garder la Grèce dans l'euro était une priorité. Michel Sapin, ministre des Finances semble, lui plus circonspect, mais il est capable de sortir certaines inepties telles que "Je ne sais pas discuter avec quelqu'un qui dit non." (2 juillet 2015). En revanche, d'autres comme Pierre Moscovici sont clairement en soutien à la ligne allemande et en opposition à Tsipras. Les militants sociaux-démocrates canadiens et québécois (je parle bien des militants) , issu d'un pays plus libéral, que le nôtre et donc n'étant pas soupçonnés d'être gauchistes, sont en très grande majorité en compréhension avec la politique grecque, ils peuvent voir les défauts et les torts de Tsipras, mais reconnaissent que sa politique est simplement keynésienne et qu'il veut appliquer le programme, pour lequel il a été élu.
On dirait que les notions keynésiennes sont devenues des gros mots. Lundi 21 juin, Alexis Tsipras, a proposé son plan avec une hausse de la TVA et une baisse du budget du Ministère de la Défense (un tabou important en Grèce), il a été balayé le mardi 22 juin et mercredi 23 juin par le FMI et jeudi 24 par le ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble. Que dire devant une telle inflexibilité?

J'ai l'impression que ce qui est sujet de désaccord ,de plus en plus, parmi la gauche européenne, c'est que certains ne voient plus l'avancée de la marche du socialisme, le progrès, l'harmonie sociale et donc résoudre définitivement les inégalités comme la priorité absolue. Bien-sûr, il faut penser à l'économie, personne ne dit que nous sommes dans un bocal. Bien-sûr, il y a des choses à améliorer ou à faire. La flexisécurité à la scandinave (avec une vraie sécurité, s'entend= maintien de salaire de l'ancien poste et formations de qualité assurées), par exemple. Mais j'ai l'impression de plus en plus qu'une partie de la gauche vit dans l'illusion qu'il suffit d'imiter la Bourgeoisie et y mettre une petite touche sociale, que cela suffira. Non, cela ne suffira pas. Le Monde est à changer, c'est une vaste et dure tâche, mais on ne peut se contenter du Monde tel qu'il est. Même s'il faut le comprendre, dans ce qu'il est actuellement, pour mieux apporter des solutions vraiment alternatives. Créer une nouvelle économie, ni collectiviste, ni capitaliste. Y a t-il une identification de Tsipras et de Syriza à l'erreur de Lénine ou l'impasse de Rosa Luxemburg, donc à des révolutionnaires? On dirait bien que certains sociaux-démocrates , ont dans leur esprit, le déroulement de l'enjeu de "la civilisation marchande" face à "l'inconnu d'une gauche affirmée", comme s'ils n'étaient plus habitués à manipuler les concepts d'interventionnisme étatique, de primauté de la question sociale et du rapport de forces entre possédants ou puissants et la masse populaire. A tel point qu'une minorité, mais une minorité influente tend à remettre en cause la notion d'arbitrage populaire et démocratique sur ce genre de questions cruciales.
Le FMI peut être bien-sûr un partenaire, mais s'il vient à vouloir contrer à tout prix, toute velléité de politique de mieux-disant social et de recherche de l'Harmonie sociale (au sens de la société idéale socialement), c'est un adversaire. La Bourgeoisie, dirait-on.

Une autre économie de marché responsabilisée semble désormais indispensable, afin de réaliser cette véritable "3e voie" ni communiste et ni capitaliste. L'interventionnisme d'Etat s'il est correct et équilibré est une bonne chose pour l'économie. L'Etat impulse aussi la dynamique d'investissements. Donc il faut aussi une vraie régulation, vraiment séparer banques de dépôt et banques spéculatives (comme l'avait fait Roosevelt), une transparence des flux financiers et donner les moyens aux Etats d'être fort dans leurs investissements= des prêts à taux zéro délivrés par la BCE (et bien-sûr ne pas jeter l'argent par les fenêtres et faire attention).
Parce que n'oublions jamais que le socialisme c'est vouloir garder la volonté de vouloir un Autre Monde, de vouloir changer le Monde, dans ses inégalités, son injustice structurelles. Et de ne jamais s'en départir.