A PROPOS

Je suis de gauche depuis l'enfance.Je suis membre de la CFDT depuis 2008.


mercredi, juillet 18, 2012

Réveillons-nous! par Thibaud Ecarot et Pierre-Marie Chevreux

Voici ce qu'aurait dû être notre contribution thématique pour le Congrès du PS 2012 de Toulouse à Thibaud Ecarot et moi-même. Cette contribution est au sujet de l'innovation, une des pistes essentielles pour la santé de notre économie, en France et en Europe.


Réveillons-nous !



Piqûre nécessaire pour nos sociétés européennes sur les enjeux de l'innovation



                                         Par Thibaud Ecarot et Pierre-Marie C.



L'union Européenne semble s'être quelque peu endormie sur ses lauriers au sortir des années 80, l'addition des principaux membres de ce qu'était alors la CEE formait la première puissance économique mondiale sans contestation avec des champions industriels et technologiques tels qu'Airbus, Alstom ou l'Agence Spatiale Européenne qui produisaient parmi les meilleurs avions du monde, le TGV et Ariane. Aujourd'hui plus de vingt ans après, l'Union Européenne voit parmi ses Etats, plusieurs d'entre eux dont la France, être relativement à la traîne. Il n'y a que l'Allemagne qui s'en sorte, mais pour combien de temps encore ?



L'Union Européenne avait amorcé vers 2000, avec une certaine naïveté, l'utopie de la stratégie de Lisbonne, où les services et les techniques de communication, sauraient suffire à eux seuls à booster l'économie Européenne. C’était oublier que seule réellement l’industrie produit massivement de la richesse qui peut être redistribuée immédiatement. De même, on ne saurait faire l’économie d’une gouvernance de l’Euro véritablement politique, avec une Banque Centrale Européenne pilotée par les gouvernements et qui n’hésite pas à réagir avec ses propres moyens pour aider les économies européennes.

On a cru pouvoir reléguer la manutention aux pays asiatiques tandis que nous garderions les emplois de cadres. Le constat est tel que si nous ne faisons rien d'ici 10 à 20 ans, les puissances asiatiques nous laisseront loin derrière. Hormis ce basculement de l'Atlantique au Pacifique dans 20 ans, nous devrons faire face à la crise écologique gravissime qui risque d'éroder durablement la planète.



Tout d'abord qu'entend t-on par «innovation» ? L'OCDE a donné en 2005 la définition suivante : « La mise en œuvre d'un produit (bien ou service) ou d'un procédé nouveau ou sensiblement amélioré, d'une nouvelle méthode de commercialisation ou d'une nouvelle méthode organisationnelle dans les pratiques de l'entreprise, l'organisation du lieu du travail ou les relations extérieures. »



En clair l'innovation c'est l'invention, mais aussi une technique de vente ou la façon de gérer une entreprise. L'innovation en Europe va s'appuyer notamment sur les nouvelles industries et technologies du renouvelable. Ce ne sera pas bien-sûr le seul domaine à développer, mais certainement le plus symbolique et tout autant stratégique que les autres industries. En tant que Parti Socialiste, donc Parti social-écologique, nous devons affirmer le respect du Développement Soutenable (ou « Durable ») et appliquer ce tamis par lequel passent désormais toutes les politiques. La Première Ministre norvégienne social-démocrate Gro Brundtland avait montré l'exemple avec son rapport à l'ONU intitulé « Notre avenir à Tous » en 1987. Ce rapport  a servi de base au Sommet de la Terre de Rio en 1992. Ce rapport a mis l’accent sur les menaces écologiques sur la Planète et les défis à suivre pour arriver à des sociétés « soutenables ».

 Nous sommes désormais face au défi palpable de la Crise écologique qui agit déjà dans le Pacifique sud et l'Océan Indien, nous avons atteint le pic de production du pétrole en 2006 (le « peak oil ») et les terres arables dans le monde risquent de voir leur fertilité diminuer sensiblement du fait d'une population potentielle de 9 milliards d'ici 2050-2060.



Et pourtant l'Europe n'a pas su résister à Copenhague face aux Etats-Unis et la Chine, en décembre 2010 et on ne l'a pas entendue en juin 2012 à Rio. Le problème est que nous avons des intérêts nationaux et industriels contradictoires avec les industriels de la Ruhr ou les firmes pétrolières européennes qui n'ont pas compris qu'elles peuvent survivre par le biais d'une véritable mutation industrialo-écologique. Cela, les Etats européens n'ont pas suffisamment la volonté et la force de convaincre des secteurs traditionnels.



L'économie que nous souhaitons respectueuse des gens et de la planète, l'économie soutenable, pourrait suivre le scénario que préconise Jérémy Rifkin dans son ouvrage la « Troisième Révolution Industrielle » avec cinq fondements que l'auteur appelle « piliers » : Le passage progressif aux énergies renouvelables ; Faire que l'immobilier soit passif en consommation et actif en production énergétiques ; Développer la filière de l'hydrogène pour permettre le stockage des énergies renouvelables (qui il est vrai sont volatiles) ; se servir de l'énergie des ordinateurs pour en faire un inter-réseau de partage ; faire aboutir les procédés de véhicules propres.



Le trinôme énergétique (solaire, éolien, géothermique) représente véritablement une piste sérieuse et concrétisera la transition écologique et énergétique que nous souhaitons tous. En effet, un nouveau régime de l'énergie apparaît nécessaire comme perspective pour le futur. A cela se couple la logique du développement et du passage à une nouvelle génération des transports publics de courte ou de longue distance qui puissent montrer l'exemple au niveau environnemental et va nous forcer à repenser le commerce international non pas atrophié mais recentré en partie sur une logique continentale.



Le coût du transport interocéanique va devenir plus fort que les gains de productivité par la délocalisation ou l'alterlocalisation ; ce d'autant qu'il y a un coût carbone par l'utilisation massive de mazout par les cargos et la pollution que cela suscite. Cette réalité fait écho avec la notion de « continentalisation » que Jérémy Rifkin souligne dans son ouvrage car il anticipe par-là, le fait que la Chine, d’ici 20 ans va se recentrer sur sa zone asiatique et sur le territoire chinois au lieu d’une spécialisation actuelle de sous-traitance pour les entreprises occidentales. Ce qui n'empêche pas les connexions futures comme le projet de Tunnel du Béring en Sibérie et Alaska.



L'union Européenne dispose de programme-cadre en matière de coopération scientifique et d'innovations industrielles depuis 1984. Ces programmes-cadres permettent de définir des actions à réaliser durant une période de 5ans en moyenne et ont permis d'arriver à des résultats convaincants en matière de science physique et d'énergie « propre » avec notamment le CERN et la fameuse chasse aux bosons de Higgs ou encore la société innovante « Blue Fuel Systems » en Espagne qui fabrique à l'aide d'algues du pétrole artificiel. Il reste pourtant à l'Union Européenne des grands défis à accomplir dans le numérique, l'écologie, les énergies propres ou encore la physique mais sans réelle collaboration, nous continuerons de prendre du retard en matière de recherche et d'innovation. L'Union Européenne se base sur le principe de coopération mais ce n'est pas suffisant, il faut que les entreprises et les laboratoires Européens fournissent plus d'effort de collaboration. On ne peut plus simplement mettre en œuvre de simple programme de coopération, elle se doit de demander aux Etats membres une implication mutuelle et un effort de coordination en vue de partager des objectifs commun et de construire une démarche entre plusieurs pays. Mais comment coordonner nos actions et partager nos connaissances au mieux quand le déploiement de la fibre optique prend sans-cesse du retard ?



L'Europe de l'ouest a depuis le XIXème siècle, développé une économie industrielle qui a connu un second souffle après-Guerre en 1945, mais ces secteurs sont dans une crise relative depuis les années 70. Force est de constater que les secteurs industriels sont davantage soumis aux fluctuations d'une économie mondialisée et plus financiarisée. En effet, 2 millions d'emplois industriels ont été supprimés en France depuis 1973. Si on ajoute à cela, une erreur de stratégie européenne dans le « tout services », on voit bien là le caractère indispensable de l'industrie et de l'innovation dans ces secteurs afin de pouvoir affronter les industries asiatiques ou latino-américaines. Les erreurs telles que la priorité au secteur financier en Grande-Bretagne ou en Islande ou le « tout-immobilier » en Espagne ou en Irlande sont là pour le prouver. Il convient de garder un peu d'industrie de base et d'innovation à moyenne portée pour financer l'innovation (posséder tout le process industriel y compris dans les PME et avoir bien en tête de mettre l'innovation partout). Nuançons tout de même car la Chine, elle-même a connu des pertes en emplois industriels dans le grand bassin industriel du nord-est (Mandchourie) et a dû faire face à des révoltes de chômeurs depuis 1993.



Il n'en demeure pas moins un déséquilibre entre les pays européens, un bloc du nord autour de l'Allemagne (Pays-Bas, Suède, Finlande...) face au reste des pays Européens qui ont plus de difficultés structurelles dans l'industrie et l'innovation sauf peut-être l'Italie du Nord. Ces distorsions spatiales se traduisent dans les excédents budgétaires européens, sur 174 milliards d'euros, 134 viennent d'Allemagne et que ce grand pays tourne autour des 2%d'investissements dans les entreprises pour l'innovation contre 1,2 % en France.



Plusieurs facteurs expliquent ce dissensus :

-       les entreprises qui investissent et qui exportent sont davantage des ETI (Entreprises de tailles intermédiaires) plus souples en Allemagne, alors qu'en France, il s'agit des grands groupes.

-       Une organisation en réseau depuis longtemps (En France depuis 2005) : les instituts Fraunhofer en Allemagne depuis 1949, les TNO aux Pays-Bas depuis 1932, les GTS au Danemark...

-       une faible implication de l'Union Européenne dans ce domaine, le plan Horizon 2020 ne propose que 80 milliards d'euros sur 7 ans soit 11,4 milliards par an pour renforcer la science, le leadership en innovation industrielle, les énergies alternatives, les transports, les personnes âgées... ce qui représente moins de 5 % du budget européen alors que le budget ne correspond qu'à 1 % environ du PIB de l'Union Européenne.



Plusieurs pistes peuvent rééquilibrer ces manques continentaux ou ces déséquilibres régionaux : le passage immédiat à 15 % du budget Européen de la stratégie Horizon 2020 et à 2,5 % de son PIB pour la France, la création à l'image du conseil Nordique d'un conseil Latin pour faire le poids face à l'Allemagne (France, Italie, Espagne, Portugal, Roumanie) et enfin plus de coopération et de partenariats entre les Etats et les entreprises européennes visant à un équilibrage de l'aménagement de sites industriels pour favoriser un partage : ne pas mettre des usines nouvelles qu'en Slovaquie et en Roumanie mais en mettre également en Allemagne ou en France, ainsi qu'encourager l'investissement des entreprises Françaises. Sans oublier que la Banque publique d'investissement que veut le gouvernement financera en partie les projets des PME.



Les aspects écologiques et économiques du Développement Soutenable ont été évoqués, reste l'aspect social qui n'est pas le moins important et qui fait partie de l'innovation. C'est pourtant un aspect assez souvent délaissé et pas mis au même niveau que celui de la performance économique, un peu comme le critère écologique. Il s'agit, sans être moraliste, d'une erreur commise du fait de la domination d'un mode de pensée néolibéral, d'économie spéculative loin de l'économie réelle et qui a prouvé son inefficacité.



Une prise de conscience est entrain, lentement, de se produire dans les milieux professionnels, mais la bataille culturelle se doit d'être menée à bout.



Jérémy Rifkin parle de « capital social » et appelle de ses vœux qu'il devienne égal au capital financier. De manière plus détaillée, nous devons favoriser dans nos sociétés l'investissement de long terme, mais également une approche plus qualitative des priorités et des financements de l'innovation, ainsi que la garantie du respect de l'humain.



Cela passe par une série de mesures administratives et financières... :

-       faire du Crédit Impôt Recherche une aide pour les PME

-       créer un guichet unique pour les entreprises rassemblant les aides et le conseil au sujet des règlements administratifs, de la fiscalité, l'information sur l'actualité scientifique

-       fonder des Commissariats au Plan régionaux et un Commissariat au Plan Européen

-       renforcer la médecine du Travail et l'Inspection du Travail pour lutter contre les troubles Musculo-squelettiques et les troubles psycho-sociaux.

… et de dispositifs relevant de l'enseignement et la formation :

-       généraliser l'enseignement des mathématiques, SVT et sciences physiques dans les filières non-scientifiques et en bac professionnel

-       lancer des campagnes régulières médiatiques valorisant la filière professionnelle

-       renforcer les doctorats scientifiques en y améliorant la double formation (disciplinaire et entrepreneuriale)

-       créer une Formation Tout au Long de la Vie en fondant une Université Professionnelle financée à 50 % par le public et 50 % par les entreprises qui pérennise les GRETA qui sont les centres de formation pour adultes de l’Education Nationale, mais qui voient leur effectif changer trop régulièrement. En transformant les GRETA en Université Professionnelle, on permet à chaque salarié, chaque chômeur de se reconvertir, de recevoir une formation fondamentale ou complémentaire. De la même manière que les enseignants ont droit à au moins une formation au Plan Académique de Formation, on peut penser qu’il en irait de même pour les salariés.