Cet article fait écho, s’inscrit au global dans ce que dit Hervé Kempf in "La gauche sera écologiste ou disparaîtra" ) , sur le site Reporterre , que je conseille à tous et qui est le média n°1 à mes yeux pour s’informer des questions écologiques en les liant à la politique.
En tant qu’historien de métier et de formation, je connais les liens forts et originels qui unissent le socialisme historique (depuis les années 1820 et donc les prémices se trouvent dans le babouvisme, avec Gracchus Babeuf, exécuté en 1797 et finalement un éventail de positionnements révolutionnaires : girondins, jacobins dantonistes et jacobins robespierristes) et l’écologie sociale et populaire (car il y a une écologie de droite, en lien avec les conservateurs naturalistes comme dans la Confédération Germanique…). Et je sais que nous ne pourrons pas y échapper, la gauche deviendra l’écosocialisme (ou avec les nuances possibles d’écocommunisme).
Il existe plusieurs raisons du désaveu de la gauche depuis ces vingt dernières années : la rupture de François Mitterrand par rapport à une apparence de programme marxisant en 1983, mais pire et plus profond encore , le changement de cap libéral centre-droite de janvier 2014 de François Hollande, déjà entamé en choisissant Emmanuel Macron, qui n’a jamais été ce qu’on appelle à gauche (donc social et un chouya marxisant, même très tendre et Deuxième Gauche) comme Conseiller économique à l’Elysée, mais aussi la non-réponse à la mondialisation libérale, la non-réponse à « Que faire après la chute de l’URSS ? » pour reparler du socialisme historique, le fait de ne pas avoir travaillé idéologiquement sur les concepts à la fois anciens mais toujours utiles : coopératives, autogestion, question de la propriété, question de la tactique contre les multinationales, comment continentaliser et démondialiser, comment y associer toutefois l’internationalisme, où placer l’Union Européenne dans cet internationalisme sans qu’il ne devienne anti Service Public monopole d’Etat, technocrate, mettant de côté la souveraineté populaire et donc froidement libéral de droite, travailler sur un nouveau Contrat social, républicain, parlementariste, citoyen et constitutionnel. Et bien-sûr l’écologie et là je suis pleinement d’accord avec Hervé Kempf.
Tout cela et la perte aussi de la méthode d’une formation rigoureuse des militants et sympathisants, que je qualifierais de « structuraliste », fondé sur l’Histoire de France, d’Europe et du monde, celle du mouvement ouvrier, du socialisme historique et de l’écologie sociale, mais aussi de la géopolitique, de la sociologie, font que peu à peu là où on avait des militants pas forcément issus de la petite bourgeoisie ou des classes moyennes plus aisées, mais aussi des paysans, des ouvriers, des classes moyennes modestes mais bien formés, ayant acquis un statut de militant intellectuel et de terrain, on est passé pour partie (mais la partie a eu tendance à devenir pléthorique, avec le temps) à des personnes ambitieuses cherchant un siège électoral. Le nomenklaturisme. Nomenklaturisme qui a mené à la sclérose de la gauche dans son entièreté, mais en premier lieu bien-sûr la social-démocratie, qui a longtemps mené la gauche et qui a longtemps souffert d’être hégémoniste. Bien évidemment, le fait de « vouloir faire, agir » en étant élu et donc donner corps à ses idées, c’est plus que louable. Là où la machine s’est enrayée, c’est sur deux points : le fait de ne pas faire des militants formés, éligibles ou élus de toute classe et le fait d’« être élu pour être élu » (transformation des partis en écuries électorales). Si on ajoute à cela, par lassitude et disons-le, fainéantise, la délégation des dirigeants, cadres des partis du travail de composition intellectuelle à des think tanks qui pré-mâchent des éléments de langage et de la pensée toute prête en conserve, on comprend le désastre…
Avec pour conséquence, des partis qui deviennent hors-sol, des élus pas tous, mais certains, trop dans la vitrine de la pensée (et non réfléchir par soi-même, nuancer, argumenter, structurer telle la linguistique structuraliste et agrémenter cela d’une très solide culture générale). Les think tanks auraient dû être des universités des militants et centres de recherche pour former TOUS les militants à travailler les idées et les données. Alors évidemment cette pensée hors-sol devenant centriste de droite, forcément, cela a plus que déçu ceux qui tenaient au jauressisme, marxisme et l’écologie sociale.
La gauche doit donc se mouvoir en gauche écosocialiste (et porter ce nom, associer d'office social, marxisme et écologie, porter nos trois couleurs à parité: le rouge, le rose et le vert), car l’adjonction des trois urgences est une évidence :
*l’urgence sociale, et ce finalement depuis la création, l’exploitation et la précarisation de la classe ouvrière. Aujourd’hui la mondialisation dans sa version seule et unique de globalisation néolibérale et ce depuis les années 70-80 et les attaques thatchériennes et reaganiennes fait que les écarts de richesse d’accroissent, que la justice sociale, les Etats Providences s’affaissent au moins un peu et que la logique de République sociale de Jaurès ne peut advenir ;
*l’urgence écologique car depuis les années 1840 et jusqu’à aujourd’hui en passant par le pic de pollution des années 1920-1960, nous avons troué la Couche d’ozone (refermée depuis) mais tous les gaz à effet de serre vont mettre des années et des années à retomber et à retrouver un effet de serre acceptable et n’oublions pas, même si c’est tout à fait normal que les Pays en Voie de Développement s’industrialisent (car l’industrialisation demeure la capitalisation économique et termes d’infrastructures et d’emploiement la plus efficace),
il n’en demeure pas moins que la pollution déjà très forte et à venir de la Chine, l’Inde, l’Afrique du Sud, l’Indonésie, l’Iran, l’Angola, le Brésil… ne vont pas permettre telle que la situation actuelle existe ou future majorée ou existera, à atteindre au maximum le 1,5° de plus, recherché dans les différentes COP (Conferences Of Parties en anglais, qu’on pourrait traduire par Conférences sur l’Organisation de la Planète pour reprendre le terme de Michel Rocard, la « BOP » : Bataille pour l’Organisation de la Planète) et donc il faut trouver des moyens efficaces, concrets et réels pour ajuster les Trois piliers du Développement Durable/ou Soutenable : l’économique, l’environnemental et le social ;
*l’urgence démocratique , on le voit en France, en Italie, aux Etats-Unis (et bien évidemment dans les régimes autoritaires voire pleinement dictatoriaux et totalitaires), comme le disait Albert Camus, « Quand la démocratie est malade, le fascisme vient à son chevet et ce n’est pas pour prendre des nouvelles» , la volonté de revenir sur l’Idéologie bourgeoise décrite par Karl Marx dans « L’Idéologie allemande » à savoir non seulement l’exploitation économique mais aussi la domination culturelle et politique, donc l’autoritarisme, jouer sur la division du peuple (d’où le « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous »), sur des faux semblants (aujourd’hui on dirait « fake news » et « postréalité » trumpiennes) est flagrante.
Et d’ailleurs si on veut mettre en boîte la gauche, ce n’est pas pour rien… « les gauches irréconciliables », cela vient d’une personne déjà convertie à la droite, qui voulait que la France soit sur le système italien, irlandais, israélien ou canadien, là où il n’y a pas de gauche prête à arriver au pouvoir mais juste là pour témoigner. Evidemment, nous le pays révolutionnaire de 1789, 1830, 1848, de la Commune de 1871, du CNR et de la Sécurité Sociale et de Mai 68, jamais nous n’accepterons cela !
Ainsi jamais nous ne devons oublier 1789, 1792 et la République, les Ateliers Nationaux de mars 1848, l’utopie de démocratie directe de la Commune de 1871, l’autogestion, notre corpus marxiste, proudhonien, jauressien. C’est notre socle à gauche. Socle à gauche qui comporte, même si c’était une branche minoritaire et peu entendue, celle de l’écologie sociale : pleinement née du socialisme historique et de l’empreinte républicaine et marxisante avec Elisée Reclus (1830-1905), mais aussi et là nous avons raté l’annonce du train et le train lui-même : la social-démocratie scandinave qui est depuis longtemps écologiste, avec Olof Palme qui organise la première grande Conférence internationale écologique sous le patronage de l’ONU à Stockholm en 1972 et bien-sûr Bro Grundtland, ancienne Première-Ministre norvégienne qui rédige en 1987, le Rapport pour l’ONU sur le Développement Durable/ou Soutenable. Ces deux premiers-ministres ont marqué la gauche et le socialisme historique à l’international par leur attachement à l’écologie sociale et populaire. On aurait bien fait dans la gauche française, de copier l’éthique, la volonté de probité absolue, la recherche de la démocratie interne et externe coûte que coûte et l’écologisme de la gauche scandinave. Et là où la SFIO créée en 1905, le Parti Communiste crée en 1920, le Parti Socialiste crée en 1972, on n’a pas eu de Congrès d’écologisation du socialisme historique. Il a fallu que des camarades copient les Grünen ouest-allemands en créant Les Verts en 1984.
Les altermondialistes fin 1990, début des années 2000 ont embarqué dans cette continuité rose-rouge-verte. La gauche se trouve donc forcément historiciste et assumant son héritage historique, sans le renier ou avoir à le renier. Et je suis pleinement d’accord, nous n’avons pas compris que le système actuel à bout de souffle, non seulement exploite l’humain, casse le social, mais aussi par la recherche du profit maximal, met en danger et en cause notre habitat, la Terre. Et il va bien falloir revoir notre modèle de production, pour le convertir en un Green New Deal fort, véritable tamis indispensable où passeront toutes les politiques, pour sauver notre environnement, les biotopes, mais aussi la chaleur et la solidarité humaines. Les bourgeois ne craignent pas, à coups d’euros, dollars, yuan… etc les temps à venir, en revanche les classes moyennes et populaires vont casquer socialement, écologiquement et démocratiquement.
L’article d’Hervé Kempf rappelle bien pourquoi et comment la spoliation des biens et des appareils de production concernent aussi les ressources, si l’eau vaut de l’or, la Bourgeoisie aura tout intérêt à la faire coter en bourse et les Batailles de l’eau en Bolivie dans les années 2004-2006 ou les troubles liés à cela au Tchad, Mali, Egypte (fin années 2000 avec les révoltes, révolutions et naissances de mouvements terroristes) ne démentent pas ce fait. De surcroît, on (la technocratie centriste/de droite et libérale économique) veut faire payer les moins aisés, que ce soit par des taxes per capita touchant davantage les classes moyennes et populaires, car fixes et non progressives plutôt que de toucher au Capital et à l’organisation de l’économie, des industries, des transports privés à caractère commercial : 17 max-cargos containers polluent plus que l’ensemble des voitures du monde et la réduction voire le passage total des camions au ferroutage (+véhicules moins polluants pour relier localement) va susciter des cris d’orfraie et des levées de boucliers presque plus bruyant que la technique de la Tortue des légionnaires romains…
Cependant oui il faudra passer par là, la Loi somptuaire et la prise dans la bourse du Capital, d’abord et surtout. Et oui l’écosocialisme est un interventionnisme étatique dans l’économie et l’organisation de la production. Le tout est qu’il se doit d’être démocratique, voté, amené par le débat et non par une Lutte des classes et des modèles des milieux, qui se voudrait une résistance armée contre la Lutte de la Bourgeoisie pour la Bourgeoisie et son modèle de milieu au strict service du Profit et du Capital. En clair, il s’agit d’ajouter à la Constitution et dans les modèles démocratiques, la République (ou la Démocratie pour les Monarchies constitutionnelles) écologique en plus de la République sociale et de la Sécurité Sociale. Il faudra revoir notre modèle de production, énergétique, de transport et devant passer un Green New Deal permettant le bien-être, les emplois, le social, la marche de l’économie mais avec moins de profit sans retomber dans le productivisme, ni bien-sûr sans tomber dans l’écologie hyper-environnementaliste anarchiste (que certains appellent Deep Ecology). Tempérance et modération raisonnée.
Progrès, même d’une certaine manière, une certaine croissance (tout ne croitra pas, mais tout ne décroitra pas non plus) et Ecologie du Green New Deal fort du Développement soutenable sont compatibles. En gros l’écologie environnementale de la gauche scandinave ou de l’aile droite d’EELV, mais avec une bonne dose de Première Gauche véritablement réformiste et de transformation sociale. Les salaires, les emplois, les bons postes de travail, ça compte aussi et ça compte beaucoup, comme de juste (Cela n’empêche pas la logique de 32h, Sécurité Sociale Professionnelle, Revenu Universel, … les trois sont complémentaires, Première Gauche, Deuxième Gauche et Ecologie).
Donc maintenant la gauche, au boulot !! Unissez-vous, faites un Programme Commun, fondez un nouveau parti de masse marxisant et écologiste et gagnez-nous ces élections en France, en Europe, en Asie, en Amérique du Nord, Amérique Latine, Afrique, Océanie.