Les élections européennes ont rendu leur bilan. Voici le nouveau mandat 2014-2019 ouvert.
Quelques chiffres pour poser le débat: plus de 57% d'abstention à l'échelle européenne, soit à peu près le même score qu'en 2009, à noter que la Slovaquie voit atteindre les 80% d'abstention, dans une démocratie indépendante née il y a 21 ans, cela fait de la peine.
L'UE n'attire plus comme objectif, moteur et support d'optimisme en Europe, cela fait 15 ans que cela dure pour le bloc ouest-européen et plus de cinq pour les PECO (Pays d'Europe Centrale et Orientale), alors qu'on connait une Dépression économique, que l'UE n'a pas vraiment réglé la crise monétaire, même si elle l'a stoppée (notamment grâce à Mario Draghi)...
Au final, le PPE gagne par avantage, mais non pas réelle victoire avec 212 sièges, le PSE obtient 190 sièges (en léger recul), l'ALDE obtient 72 sièges, les Verts 55 sièges, le GUE 43, les souverainistes et nationalistes divers 179. Les nationalistes sont en hausse, de même que les communistes/gauche de la gauche.
Les gouvernements en place qui ont été battus sont: le gouvernement britannique (conservateur), français (socialiste), néerlandais (libéral), autrichien (social-démocrate), bulgare (social-démocrate), croate (social-démocrate), danois (social-démocrate), suédois (conservateur), portugais (conservateur), grec (conservateur), polonais (libéral),estonien (libéral), letton (conservateur), lituanien (social-démocrate), tchèque (social-démocrate), roumain (libéral).
Cela s'explique par la déception plus ou moins forte des équipes en place au pouvoir, mais aussi par de relatifs échecs ou véritables économiquement, davantage pour les pays d'Europe du sud, ou bien par une stabilisation haute de la peur de l'immigration en Europe du nord.
A noter que la Grèce et la Lettonie ont répondu non massivement à l'austérité en donnant une large victoire aux communistes/gauche de la gauche. Les sociaux-démocrates ont gagné sur la droite au Portugal, en Suède et en Roumanie. Ils ont obtenu de bons scores en Grande-Bretagne et en Allemagne sans pour autant gagner la 1ère place.
Plusieurs nouveautés ont de l'importance dans ce nouveau Parlement européen 2014-2019:
-la place que prend les souverainistes et les nationalistes (le Front National à 25% - extrême-droite-, le UKIP-United-Kingdom Independence Party (souverainiste) et le Parti Populaire Danois (extrême-droite) à 20%; sans compter l'arrivée de quelques députés néo-nazis Aube dorée en Grèce et un député du parti allemand néo-nazi NPD)
-la montée du néo-communisme, suite aux plans d'austérité, surtout en Grèce où Syriza et Alexis Tsipras dépassent les 26%
-la baisse assez importante des conservateurs (PPE), qui maintiennent leur place de premier parti mais perdent plusieurs dizaines de sièges, notamment du au maintien des sociaux-démocrates (moyenne européenne), notamment en Allemagne où le SPD prend 6 points sur la CDU.
Face à cette nouvelle configuration, il y a plusieurs défis sur lesquels l'Union Européenne doit se pencher:
-la démocratisation de l'UE, tant attendue. Les dirigeants de l'UE doivent comprendre que les citoyens européens ne s'intéresseront davantage à cette dernière que si la démocratisation, le renforcement du Parlement et davantage de transparence dans les débats soient mis en oeuvre. Les citoyens attendent que les politiques viennent devant les gens, parler en province, dans les médias sur les choix qu'ils veulent prendre et accepter de les soumettre au débat et à l'avis des citoyens. Cela passe par des votes de confiance dans les Parlements nationaux. Cela passe aussi par le fait que le Parlement européen pourra proposer également des débats et des projets de directive, directives pouvant être soumises aux Parlements nationaux. Bien évidemment Angela Merkel doit se plier à l'élection parlementaire et accepter Jean-Claude Juncker (gagnant) comme candidat de la Commission et que les sociaux-démocrates puissent influer la politique européenne, puisque rien ne passera sans eux.
-approfondir la Construction européenne: l'élargissement à 28 est le maximum que peut l'UE pour 20 ans. Le reste des Balkans devra attendre. La Turquie pour des raisons de manque de démocratisation et de pluralité politique/représentation politique des minorités, reconnaissance du Génocide arménien ne peut pas rentrer dans l'UE. Comme la Turquie ne semble pas changer pour tout de suite, son adhésion n'en est que remise aux calendes grecques. Les questions d'un gouvernement économique, d'une vraie politique publique de l'énergie et d'une construction d'une CED (Communauté Européenne de la Défense) sont les nouveaux chantiers de l'UE.
L'UE ne peut plus être une organisation naïve du point de vue du libéralisme commercial, puisque les USA, le Brésil, l'Australie, la Chine, l'Inde etc... sont protectionnistes, ne pas assumer une préférence européenne est une erreur, cela nous a empêché depuis 15 ans de fonder des champions européens de rang mondial (ex: Pechiney revendu à la pièce à Alcan puis racheté par Rio Tinto), cela veut dire aussi que le dumping fiscal et social dans l'Europe n'a jamais été une assurance de la vraie concurrence, mais davantage une tiers-mondisation des travailleurs européens, mis en concurrence entre eux, avec pour viseur les payes chinoises ou brésiliennes.
Un approfondissement de la construction européenne passe par une Directive Services remettant en cause ces dumpings fiscaux et sociaux, puis une harmonisation par le médian-haut des fiscalités ouest-européennes.
Bien évidemment la question de l'impôt européen sur les bénéfices se posera, pour que l'UE ait un vrai budget, digne de ce nom.
Angela Merkel doit comprendre qu'une Europe conservatrice-libérale à l'allemande type CDU ne marchera pas et entendre les revendications socio-économiques (gouvernement économique de l'euro, traité social) et François Hollande doit entendre- ce que n'ont fait ni Chirac, Jospin et Sarkozy- la volonté allemande d'une Europe politique et François Hollande doit enfin taper du poing sur la table sur les revendications d'investissement et d'approfondissement social et pas faire comme en juin 2012 ou Michel Sapin en avril 2014 "je vais négocier".
Une UE sans une France à l'aise en Europe, mais au-delà de la France, sans des Européens progressistes et sociaux à l'aise en Europe ne fera que renforcer l'affrontement stérile, car le clivage gauche/droite existe bel et bien. La France doit savoir utiliser la "politique de la chaise vide".
-écouter les peuples européens et répondre aux peurs: La Grèce, mais aussi la Lettonie ont dit non à l'austérité. De nombreux Européens de gauche comme de droite ne souhaitent pas un sacrifice de leur Etat-providence aux bénéfices d'une politique monétariste. Le bien-être social et l'apport de nouveaux droits socio-économiques n'est pas négociable et fait partie de l'évolution et progrès des démocraties modernes. Certaines populations dans les pays ont exprimé des peurs face à l'immigration. Ce sont des peurs irrationnelles, ces personnes nouvellement venues ne sont en rien des "hordes militaires attentant aux pays". Toutefois on peut constater que Frontex (politique des frontières de l'UE) n'a pas de moyens, l'UE doit se doter d'une vraie police des frontières, avec des moyens continentaux qui contrôle efficacement les frontières méditerranéennes, les frontières d'Europe de l'est et les aéroports internationaux.
En même temps, la vraie solution de fond, c'est que les pays de départ aient une situation politique et économique stable, la France le fait en ce moment au Mali et en Centrafrique, mais il faut que toute l'UE mette en œuvre un programme de stabilisation et de développement économiques de l'Afrique, en renforçant les accords ACP-Lomé et en les européanisant.
Du point de vue de la Roumanie, Bulgarie et Slovaquie qui n'offrent pas de perspectives dignes de ce noms à leurs ressortissants roms, l'UE doit mettre les moyens financiers pour le développement des quartiers roms, leur dé-ghettoïsation, la lutte contre la discrimination anti-rom et s'assurer sur place (agents de l'UE) et véritablement que les fonds ne soient pas détournés et/ou non-utilisés, sous peine de sanction financière vraiment dissuasive pour les gouvernements se fichant de cette question et fermant les yeux sur la corruption des aides européennes aux populations roms.
-parler à la Grande-Bretagne: la Grande-Bretagne avec son vote UKIP, mais au-delà de cela les conservateurs et un peu les travaillistes n'ont pas pris conscience que l'UE est incontournable pour le pays. En effet, les USA sont en train de quitter l'Europe comme zone stratégique prioritaire et la Grande-Bretagne n'intéressera plus les USA. Ce sera la Chine, l'Inde, le Nigéria, l'Afrique du Sud et le Brésil. Donc les Britanniques vont être abandonnés dans leur "alliance et relation très spéciale". Et la Grande-Bretagne seule, comme l'Allemagne seule ou la France seule ne vaut plus rien face aux mastodontes asiatiques actuels et futurs et africains futurs. Il ne restera donc à la Grande-Bretagne que l'UE.
Immédiatement, on peut comprendre que d'aller dans un processus un peu global et tirant vers le fédéralisant fasse peur et donc que le souverainisme soit roi au pays de la Reine. On peut comprendre que le pays veuille garder pour longtemps sa Livre sterling. Soit, mais le pays, tout en restant dans l'UE, ne doit pas empêcher un troisième cercle d'approfondissement européen et doit renoncer à son 'I want my money back'.
De plus, rien que pour son intérêt vital propre, le pays ne semble pas encore avoir compris que le refus de l'Europe mènera à la partition du pays et à l'indépendance de l'Ecosse, irrémédiablement suivie du Pays de Galles et de la réunification entre l'Irlande du nord et la République d'Irlande. Le pays aura tout perdu, même son drapeau et ne sera plus que "l'Angleterre". Avouons et gageons que la réduction du Royaume-Uni à l'Angleterre soit pris comme une catastrophe par le pays.
C'est ainsi qu'à terme la Grande-Bretagne fera partie de la Communauté Européenne de Défense, vraiment autonome d'abord de l'OTAN puis remplaçant l'OTAN.
Pour notre pays frère, germanisation d'une France du nord (par rapport au caractère saxo-normand), c'est "l'Europe ou la mort."
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