Cela fait 22 ans que la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires
(parce
que pour certains pays à l'est, les langues régionales autochtones sont
celles de "nationalités" minoritaires, face à la "nationalité"
majoritaire; ex: en Roumanie, on a des "nationalités" hongroise,
allemande, roumaine-latine,... alors qu'il n'existe qu'une "citoyenneté"
roumaine qui rassemble tous les Roumains, habitants de la Roumanie)
a été rédigée et quinze ans que la France l'a signée: 39 articles sur 98 articles en tout.
Et
bien cela fait plus de vingt ans que l'on fait mouvoir l'épouvantail
des langues régionales comme possible danger vers une
"communautarisation" et un pro-montoir pour les séparatismes.
Il n'en est absolument rien. Rappelons que parmi les républicains les plus éminents et les plus patriotes, Jean Jaurès commençait ses discours en occitan et les finissait en français. Langue régionale maternelle, apprise, promue, valorisée dans la société y compris publiquement n'a rien d'un danger face à la République.
Tout d'abord, effaçons un préjugé et une erreur d'appréciation historiquement parlant.
Oui, il a fallu unifier la France , administrativement, judiciairement et linguistiquement. De Villers-Cotterêts en 1539 (ordonnance royale qui fait du français, la langue de juridiction) au Ministère de l'Instruction Nationale, après 1870, avec des cours 100% en français, sans oublier l'unification des droits médiévaux et locaux dans un droit français moderne, après la Révolution (Code Civil); il a bien fallu unifier cet ensemble, autrefois disparate. Et bien justement la France, malgré les Rois et la République a toujours été diverse: sous les Rois, les justices locales existaient et la majorité des Français parlaient autre chose que le français; on estime que le français n'est devenu véritablement et profondément langue de société après 1914-1918. La France a majoritairement adhéré à la création des régions avec plus de pouvoir qu'auparavant pour les collectivités locales en 1982 et dans les années 70, il y a eu une renaissance des courants culturels liés aux régions: Alan Stivell pour la Bretagne, développement des ikaskolas basques, découverte des chants corses,...
Quand on parle de la diversité linguistique, on oublie toujours les créoles antillais, guyanais, réunionnais (et les langues amérindiennes en Guyane) qui forment la langue vernaculaire de ces territoires ultramarins, même chose pour les langues kanak en Nouvelle-Calédonie, les langues polynésiennes en Polynésie française ou le mahorais à Mayotte. Donc la France n'est pas uniforme, elle ne l'a jamais été, elle ne le sera pas dans l'avenir. C'est la force de notre pays, c'est la force de nombre de pays européens.
Cette Charte fait polémique pour certains, elle est en fait mal comprise dans les 39 articles seulement sur 98 de signés par la France. La France n'est engagée que sur les articles qu'elle a signés, il était bien entendu hors de question que la France signe en 1999 (ou même dès 1992) des dispositions menant à la fédéralisation intensive de la France ou de donner des droits collectifs visant à une autonomie élargie de certaines régions. Les 39 articles ne sont donc pas "ethniques" ou "racistes", quant aux 61 autres, rappelons qu'ils concernent les pays fédéraux ou à minorités nationales.
Explication: le Ministère de la Culture avait publié sur son site en 1999 (puis diffusé), suite à la signature de la Charte par le gouvernement Jospin, un fascicule montrant quels articles la France avait signés.
http://www.culture.gouv.fr/culture/actualites/lettre/dossiers/dossier-49.pdf
Sur la justice, seul l'alinéa 3 est repris: "Les Parties s'engagent à rendre accessibles, dans les langues régionales ou minoritaires, les textes législatifs nationaux les plus importants et ceux qui concernent particulièrement les utilisateurs de ces langues, à moins que ces textes ne soient déjà disponibles autrement."
Ce que l'Etat et les régions font déjà, des publications à titre d'information dans une autre langue (donc régionale) que la langue de la République, la langue de référence et de publication première demeurant le français.
Quant à l'administration, il s'agit de l'alinéa 2 qui est repris;
"En ce qui concerne les autorités locales et régionales sur les territoires desquels réside un nombre de locuteurs de langues régionales ou minoritaires qui justifie les mesures ci-après, les Parties s'engagent à permettre et/ou à encourager
c -la publication par les collectivités régionales des textes officiels dont elles sont à l'origine également dans les langues régionales ou minoritaires;
d -la publication par les collectivités locales de leurs textes officiels également dans les langues régionales ou minoritaires;
g -l'emploi ou l'adoption, le cas échéant conjointement avec la dénomination dans la (les) langue(s) officielle(s), des formes traditionnelles et correctes de la toponymie dans les langues régionales ou minoritaires."
Donc en clair la traduction de certains textes de décision ou de publications des mairies, des conseils généraux ou régions à titre informatif et des panneaux bilingues: ce qui est déjà fait depuis plusieurs années.
MAIS PAS d'obligation pour les fonctionnaires à s'exprimer dans telle langue régionale, à recruter des fonctionnaires parlant également la langue régionale concernée et à tout faire dans la langue régionale dans les conseils locaux.
Le français demeure bel et bien la seule et unique langue des décisions, délibérations et publication en premier et en priorité des textes régissant telle collectivité.
A partir de là les arguments visant à la "fédéralisation" ou à la "transformation de la France en régions autonomes prêtes à se séparer" à marche forcée tombent d'eux-mêmes, ainsi que ceux qui voudraient que les groupes linguistiques organisés et politisés fassent pression sur la République pour obtenir des droits administratifs et politiques.
Jean-Jacques Urvoas a même rajouté un texte explicatif de clarification à l'usage des juridictions pour baliser le texte et ne pas permettre de potentielles dérives fédéralistes et autonomistes. Non le texte de Jean-Jacques Urvoas et Bruno Le Roux:
http://www.assemblee-nationale.fr/14/propositions/pion1618.asp
qui vise à la ratification de la Charte dans la Constitution, n'a que comme but de promouvoir les langues et les cultures régionales de France. Parce que c'est une richesse qui a longtemps été dédaignée, méprisée et délaissée, que la liberté d'expression dans une autre langue que le français (mais avec le français, comme de bien entendu) est tout à fait possible et même déjà protégée par la Constitution. En clair de transformer les ikastolas, écoles Diwan, Calandretas... en écoles sous contrat d'Etat, de permettre des expérimentations et la possibilité d'avoir un enseignement d'immersion, d'aider davantage les associations visant à valoriser et promouvoir les régions, leur culture, leur patrimoine et les langues régionales dans un esprit d'unité de la France, sans séparatisme ou séparation possible. En clair, permettre au girondinisme d'émerger après plus de deux siècles de jacobinisme rigide, tout en assurant un cadre national (Education Nationale, Sécurité Sociale,...).
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