A PROPOS

Je suis de gauche depuis l'enfance.Je suis membre de la CFDT depuis 2008.


mercredi, décembre 05, 2012

Pourquoi la radicalité pour la radicalité ne paye pas: réponse à Mme et M Pinçon

J'écris cette article en réponse à Mme Monique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon dans Marianne 2, "Pourquoi le social-libéralisme est dans l'impasse": http://www.marianne.net/Pourquoi-le-social-liberalisme-est-dans-l-impasse_a224892.html?com#comments
6 mois après l'arrivée du gouvernement Ayrault, en juin 2012, il apparaît de fortes difficultés, c'est évident mais il semble un peut tôt pour pouvoir en tirer un bilan, même idéologique.
Il est certain que toute la gauche ou presque a voté pour François Hollande en mai 2012, mais aurait-il pu en être autrement si on est objectif? Il est certain que nos systèmes démocratiques sont loin d'être parfaits et l'on a toujours une raison d'être en désaccord ou qu'une loi nous déplaise.
En même temps, nous ne sommes pas dans une démocratie directe, une démocratie à l'athénienne, ce qui serait à l'échelle de presque 65 millions de personnes, assez difficile. Cela peut se concevoir sous certaines formes, à l'échelle d'une commune. On a aussi envie de dire: "mettez les mains dans le camboui si vous êtes insatisfaits". En politique, l'action est certainement le plus dur à réaliser, car au-delà du discours, des envolées lyriques, on doit ensuite passer à la pratique et c'est là que le bât blesse. Jean-Luc Mélenchon étant certain de ne pas arriver au pouvoir , d'être le premier candidat de la gauche devant celle ou celui du PS, il ne possède que le ministère de la parole, le "ministère des masses", disait Maurice Thorèz qui ne participait pas au gouvernement du Front Populaire, en 1936.

On est un peu dans la même rhétorique... espérons que nos camarades pégistes, communistes, frondeurs ne vont pas initier une politique "classe contre classe", on en a vu les dégâts par le passé, celle de la division de la gauche et la voie libre laissée à la droite...

Bien-entendu, il n'est pas question que le Parti de Gauche, le Parti Communiste Français ne puissent pas s'exprimer, montrer des désaccords, être critique. Encore faut-il fonder de manière argumentée, sa critique, autrement que par le "ça ne va pas" ou "les gens sont en colère". L'article débute sur le fait que les voix du Front de Gauche ont été utiles et que sans cela, François Hollande n'aurait pas été élu. Tout à fait. Seulement, n'oublions pas qu'un an auparavant le PRG et le PS ont organisé les primaires de la gauche, "les primaires citoyennes", auxquelles ils avaient convié le PG, le PC et EELV. Aucun de ces trois partis n'ont voulu participer aux primaires. Le résultat a été 3 millions de votants pour une grande première, François Hollande avait donc un élan propre derrière lui, et pas seulement celui du Front de Gauche.
N'oublions pas non plus que le Front de Gauche qui a fait 11%, un beau score, a finalement réalisé le score traditionnel des partis radicaux de la gauche: PCF, LO, NPA, autour des 10%. La gauche radicale ou révolutionnariste a toujours été minoritaire en France, parce que la gauche français profonde, c'est celle du "Midi Rouge", la gauche radical-socialiste, la gauche de Ledru-Rollin, Millerand, de Jaurès mais aussi de Proudhon.

Ensuite, cet article reprend les diatribes et le procès que l'on a toujours fait à la gauche réformiste (qu'elle aille d'un volontarisme très dirigiste à la Montebourg à une social-démocratie technicienne à la Valls, oui, elle est hétéroclite, mais cela a toujours été comme cela dans les partis de la gauche réformiste. C'est notre diversité, c'est notre esprit démocratique qui parle.), celles d'oublier les classes populaires. Tout d'abord faisons un point très rapide, il n'existe plus une seule "classe ouvrière" comme il a pu exister jusqu'aux années 70, mais des classes populaires et moyennes, j'insiste là-dessus, qui sont éparpillés. On a une classe des chômeurs de longue durée, une classe des employés précaires, une classe d'employés plus stables mais mal payés, une classe moyenne qui vit correctement mais devant faire attention, le moindre écart pourrait les mettre en difficulté. Cela est dû au changement de la notion de travail, lié à l'évolution néolibérale, de la mondialisation.
Cet article ne reprend pas le fait que François Hollande a aussi été élu par de nombreuses classes moyennes, dont on ne peut pas dire qu'elles soient riches. Une partie des classes moyennes est un électorat plutôt proche des idées socialistes et c'est bien le peuple, également. Le peuple ne représente pas que les classes populaires. Ces classes populaires et moyennes partagent le sentiment d'être déclassées dans la société telle qu'elle est, froide, sans pitié.

Ces classes populaires et moyennes connaissent la situation économique du pays et savaient même avant le gouvernement, si on peut dire, que la situation serait plus dure que prévue, y compris par les personnes qui ont organisé la campagne au PS. Les Français savent qu'il faut faire certains efforts, mais veulent profondément la justice sociale et fiscale, ils veulent que les plus aisés, que le 1% payent davantage. Voilà pourquoi les Français de gauche n'éliront jamais un parti révolutionnariste, même s'il fait plaisir à entendre, même s'il touche des réalités et des problèmes véridiques, même s'il représente un aiguillon de la gauche gouvernementale. La gauche démocratique socialiste (dite "gauche de la gauche" quand bien même il n'y a pas vraiment d'horizontalité à gauche) et révolutionnariste (PG, PC, NPA, LO) ont toujours joué ce rôle, celui d'aiguillon de la gauche, mais jamais le leadership porté au pouvoir et pour réaliser le programme, les idées auxquelles sont attachées toute la gauche.
Le PS contient de nombreux militants et responsables politiques proches d'Arnaud Montebourg, de même qu'il existe des militants et des députés proches de la Gauche Populaire. Le PS est loin d'être juste un appareil "embourgeoisé", bien au contraire, les Primaires ont ravivé le débat idéologique au PS mais aussi à gauche. Rendons hommage, d'ailleurs à Ségolène Royal, qui fut la première à avoir cette intuition de vouloir remettre le débat sur le devant de la scène, notamment au sujet des classes populaires.

Il est tout à fait vrai qu'il y a eu certains reculs, certaines attitudes timorées à l'égard de ce qu'on avait débattu pendant les présidentielles: on pouvait aller plus loin sur la politique fiscale, la TVA était soi-disant un sujet tabou auquel on "toucherait jamais", pourtant sur ce sujet, reconnaissons-le, on s'est dédit, quand bien-même il pouvait y avoir des raisons objectives de le faire et également au sujet de la "liberté de conscience" sur le mariage pour tous. Les fameux "couacs" gouvernementaux de la fin de l'été et du début de l'automne n'ont pas contribué à une clarté du message gouvernemental.
Et puis la question du cas de Peugeot à Aulnay sous Bois et aussi présentement d'Arcelor à Florange montrent (surtout dans le cas lorrain) d'une divergence de postionnement et de position sur la nationalisation partielle. Je pense que Montebourg avait raison sur le fond, mais pas sur la forme et le tempo. La question de la nationalisation partielle se pose après que le dossier ait été longuement étudié et qu'une perspective de secteur stratégique et d'innovation, en concertation avec l'Union européenne. Marie-Noëlle Lienemann l'a très bien dit "Le génie français c'est qu'il y ait du capital public". C'est pour cela que j'en appelle personnellement à un "néodirigisme".

Si le sauvetage d'Alstom a été possible, d'autres secteurs aujourd'hui en crise sont sauvables. Il s'agit d'une question essentielle. Et c'est là que l'argument, du pseudo-argument que le PS serait "social-libéral", car il pense au coeur des choses la question de l'industrie comme moteur du redémarrage de la France, il insiste (peut-être l'avait il oublié dans les années 90) sur l'importance des valeurs de la République et des classes populaires et moyennes. Il ne croit pas contrairement aux courants révolutionnaristes qu'il existerait de l'argent caché dans les entreprises. 80% du PIB se trouve dans les PME-PMI et le TPE, or ces entreprises vont mal et ont effectivement des problèmes de trésorerie. Quant aux multinationales en partie françaises, elles jouent des contradictions du système néolibéral et financiariste, elles peuvent placer leur argent à Londres, Hong-Kong ou Singapour. Cette question pose là , l'absolue nécessité d'une régulation mondiale et d'un altermodèle économique international qui prélève, même un peu, sur tous les flux financiers. C'est une autre échelle , c'est une autre histoire et cela demande de convaincre et batailler, disons-le, avec la Grande-Bretagne, les Etats-Unis et la Chine.

En clair le socialisme est bien socialiste, il est réformiste et en aucun cas libéral économique, mais c'est certain qu'il n'est pas (il ne l'a jamais été) collectiviste et incantatoire.

Pierre-Marie

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